Bonjour,
Après avoir découvert ce forum il y a quelques jours, je me suis décidé à m'inscrire et à partager ce témoignage concernant les violences scolaires (et autres violences) dont j'ai été victime de longues années.
Les rares proches qui m'ont connu durant ma petite enfance m'ont dit que j'étais un petit garçon souriant, rigolo, bavard et bienveillant. Mais ce joli portrait sera quelque peu abîmé par la suite...
Les premières violences verbales et physiques commencent à l'âge de 7 ans, après avoir débarqué dans une nouvelle école en 2ème primaire.
Mon tempérament profondément gentil et altruiste étonne les camarades.
Mes parents m'habillent de façon désuète, ça n'aide pas.
Déjà victime d'un frère enfant-roi et tyrannique (qui sera diagnostiqué TDAH/TOP 20 ans plus tard), je repère très vite un camarade tyrannique, qui s'était imposé comme le meneur de groupe qui édicte ses lois sur l'ensemble des garçons de sa classe. Notamment en exigeant des garçons qu'ils se prosternent devant lui et exécutent des pompes à sa demande.
Je décide du haut de mes 7 ans de ne pas me soumettre.
Mes résultats scolaires et ma facilité d'apprentissage ravissent les professeurs. Un peu moins les autres élèves.
Elève brillant, profondément gentil, serviable, empathique, habillé différemment et insoumis: je portais sans le savoir tous les éléments nécessaires à être perçu comme l'élément à rejeter du groupe.
Celui qui a souvent la tête en l'air. Celui qui comprend les choses de travers. Celui à qui on ne doit pas parler. Celui à qui on ne doit pas passer la balle dans la cour. Celui avec qui il ne faut pas se mettre en binôme au sport. Celui qu'il ne faut surtout pas inviter aux fêtes. Celui à qui il faut mettre quelques coups quand il l'ouvre et qu'on ne lui a rien demandé. Celui qu'il faut absolument chahuter en cours, puisque 9 fois sur 10 il a la réponse avant les autres et a le malheur d'être content d'apprendre, de vouloir apprendre et donc de participer.
Le calvaire dure pendant 5 ans.
Ma mère ne comprend pas, elle incrimine l'éducation des autres enfants. Mon père va plus loin dans le mauvais sens: il m'incrimine. Mon caractère insoumis et questionnant tout, tout le temps, ne lui plait pas beaucoup et le fatigue. Mon caractère doit donc être quelque part la cause de ce que je vis.
A 12 ans, je réussi mon CEB haut la main: je finis de loin le premier de plusieurs écoles réunies durant les épreuves cantonales (je suis belge).
Cela n'éveille la curiosité d'aucun professeur, ni même de mes parents.
Ma mère y voit surtout la preuve de la réussite de sa bonne éducation, mes résultats sont un soulagement pour elle: à côté, mon frère, c'est la galère...
Et pourtant: alors que les autres enfants avaient passé leur temps à réviser durant les épreuves, j'avais passé mon temps... à jouer à la Playstation
Bien sûr, mes parents n'en savaient rien, j'avais dissimulé.
La question de la réussite était d'autant plus relative.
Arrivent les études secondaires.
Je demande à mes parents qu'ils me trouvent une école où n'aille aucun élève que j'ai connu.
On se rassure tous en se disant qu'en faisant table rase des situations et des fréquentations passées, ça ne pourra qu'aller beaucoup mieux.
Et pourtant.
Malgré le fait que je dissimule alors mes capacités intellectuelles afin de ne pas "choquer" mes camarades (vous apprécierez l'absurdité de la chose), la situation vécue en primaires va progressivement se remettre en place. Et en pire.
On est alors à l'époque de l'explosion des messageries en ligne (du type MSN), qui deviennent progressivement une source d'harcèlements supplémentaires.
Le domicile familial est devenu un enfer: les problèmes de couples de mes parents s'ajoutent aux problèmes de mon frère.
Je dissimule donc mes problèmes sociaux de l'école à la maison, histoire de ne pas en rajouter.
A 14 ans, je suis un jeune adolescent fatigué du système scolaire répétitif et rigide.
Les bourreaux sont multiples, et plus vicieux que ceux de l'enfance.
Je redeviens le "rej" que j'étais quelques années auparavant.
Ma cellule familiale prenant l'eau, je finis, dans le cadre d'une thérapie familiale, par être reçu en tête-à-tête avec une psychologue.
J'ai 16 ans. Alors que ce n'est pas l'objet de ma visite, elle émet l'idée que je sois un "surdoué" et que je doive passer un test.
Mes parents n'en croient pas un mot. Et moi non plus d'ailleurs. Moi qui voulait être aimé, accepté, comme quelqu'un de normal: moi "surdoué"? Jamais!
Parents et enfant dans le déni.
Le harcèlement dont je suis victime empire. Les violences physiques que j'ai connues durant l'enfance reprennent vers mes 17 ans. Jusqu'en voyage scolaire.
Le malaise vécu de tous bords, le fait de ne me sentir à ma place nulle part, de n'avoir d'havre de paix nulle part, et évidemment aucun ami à qui parler... j'ai des pensées suicidaires.
Je monte sur un pont, je me penche.
Je renonce.
Exactement 6 ans après la fin de mes primaires, je souhaite faire table rase et ne plus jamais revoir mes bourreaux, ni aucun des ados liés de près ou de loin à mon vécu.
Usé par le système scolaire classique, je mets non seulement ce souhait à exécution, mais je prends aussi un virage à 180° sur le reste: je décide de me lancer dans des études artistiques (cinéma). Mes parents, toujours à côté de la plaque, n'y comprennent rien: leur fils qui semblait si bon dans tout ce qui est cartésien, des études artistiques!
A leur grand étonnement, je passe les concours d'entrée. Je suis le plus jeune de ma promo.
Les 3 années qui s'ensuivent sont un parcours de santé pour moi.
Le milieu audiovisuel, où le "décalage" est une donnée courante, que ce soit socialement ou dans la pratique, m'accepte sans problème.
Entre mes 18 et mes 21 ans, je finis donc par trouver dans l'art mon havre de paix et mon futur métier.
A 21 ans, bien éloigné de mes envies suicidaires de mes 17 ans et du harcèlement, j'ai un peu plus confiance en moi. Je me rappelle de cette psychologue rencontrée à 16 ans: je passe un test de QI.
Le résultat est bien au-dessus des 130. Je doute du test. J'en fait un autre. Résultat équivalent. Je finis par accepter le résultat.
Passé le relatif "soulagement" que peut donner ce résultat, je m'interroge toujours plus: je ne sais toujours pas qui je suis. Est-ce que ce que je suis, qui est différent d'une certaine norme, est-il lié à un résultat de test de QI, ou ça n'a rien à voir?
Quelques années plus tard, la seule personne HP que je connaisse me conseille l'excellent livre de Jeanne Siaud-Facchin.
J'ai alors 24 ans et je comprends un peu mieux qui je suis.
Lors d'une soirée, le hasard fait que je retrouve l'un des "bourreaux" de mon adolescence.
On cause, il me demande pardon pour tout ce qu'il a fait.
Surprise du jour: c'est aussi un HP!
Aujourd'hui, j'en ai 26. Les amis sont rares, mais j'ai au moins le bonheur d'avoir une vie professionnelle passionnante (je travaille comme indépendant en post-production cinéma/TV).
Mon parcours est celui de quelqu'un qui n'a pas du tout été dépisté/repéré comme HP, et je dois sans aucun doute ne pas être le seul dans le cas.
J'ai traversé durant les 18 premières années de ma vie un système éducatif incapable de déceler ma particularité et d'en faire quelque chose. Avec le recul, je considère davantage ce système éducatif comme une machine à broyer du HP. Ce qui est particulier, qui n'est pas compris et qui n'est pas vu comme un fait positif y devient un fardeau.
Tant de souffrances inutiles et de temps perdu.
J'espère que mon témoignage sera utile